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    Lyon, la fabrique à champions

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    Lyon, la fabrique à champions  Empty Lyon, la fabrique à champions

    Message  Deathstroke Jeu 13 Fév 2014, 04:00

    Contraint par ses finances, Lyon est en train de montrer au grand jour ce qu'il n'a jamais cessé de faire : former de bons joueurs.

    ILS NE PARTENT PAS TOUS sur la même ligne mais, dans l'absolu, ils sont cinq à fonder un espoir raisonnable de voir le Brésil. « Certains », « possibles » ou « probables », Karim Benzema, Loïc Rémy, Clément Grenier, Alexandre Lacazette et Maxime Gonalons, s'ils étaient retenus dans la liste de Didier Deschamps pour disputer la prochaine Coupe du monde, formeraient sans doute le plus gros contingent de joueurs issus du même centre de formation. Celui de l'Olympique Lyonnais qui, depuis son ouverture en 1979, a fourni une flopée d'internationaux et, aujourd'hui encore, est l'un des principaux pourvoyeurs des sélections de jeunes. Il occupe même le deuxième rang (derrière le Barça) lorsqu'il s'agit de comptabiliser les joueurs formés dans un club et évoluant dans un des cinq grands Championnats européens.

    Meilleur centre (devant ceux de Sochaux et Montpellier) au classement établi par la Fédération française (*), la pépinière de l'OL est devenue le principal motif de fierté d'un club dont les intérêts domestiques sont menacés par les restrictions financières qu'il s'impose depuis bientôt trois saisons, elles-mêmes concomitantes à l'arrivée de nouveaux investisseurs à Paris et Monaco. Dans cette période qu'elle espère de transition d'ici à l'arrivée du nouveau stade début 2016, l'ancienne superpuissance du foot français (septuple champion de 2002 à 2008) est en train de montrer au grand jour un savoir-faire qu'elle n'avait pas perdu.

    Lyon n'a jamais cessé de former de bons joueurs, et cela même avant la création d'un centre à proprement parler, puisque Fleury Di Nallo et Bernard Lacombe, pour ne citer qu'eux, sont issus de ce moule. La volonté présidentielle n'a pas davantage faibli dans ce domaine, sinon le club n'y aurait pas consacré 75 M€ sur les dix dernières années. Mais cela se voit plus aujourd'hui qu'à l'époque où l'OL avait le plus gros chéquier de l'Hexagone et pouvait se permettre de laisser filer Florent Balmont et Loïc Rémy, contraints à l'exil (à Nice) pour augmenter leur temps de jeu.

    Du saupoudrage d'antan, Lyon est passé en début de saison à un recours massif dont la crise automnale a montré que cet excès-là n'était pas meilleur qu'un autre. Parce que tout est affaire d'équilibre et que le club s'est redressé depuis que ses joueurs d'expérience sont là pour encadrer ses meilleurs jeunes, il ne faut rien oublier du passé, récent ou lointain. C'est à ce prix que l'OL aura toujours une équipe au moment d'entrer dans le grand stade.

    (*) Ce classement, établi par la DTN, se fonde sur cinq critères, allant du nombre de contrats professionnels signés au nombre de diplômes scolaires obtenus.


    31 à travers l'Europe

    Lyon, la fabrique à champions  5901b

    (Manque Eric Tie Bi d'Evian et Miralem Pjanic, comptabilisé comme formé à Lyon selon les critères UEFA)

    8 M€

    C'est la somme estimée que l'Olympique Lyonnais consacre chaque année à la formation,
    soit, sur la dernière saison, près de 6 % du budget du club. À titre de comparaison, le FC Nantes investit 5 M€ (soit près de 15 %). À l'étranger, l'Athletic Bilbao (ESP), qui mise sur son réservoir basque, 9,5 M€, et le FC Barcelone, environ 20 M€.

    3,5

    C'est le nombre moyen de joueurs formés à l'OL qui, chaque année, signent un contrat professionnel.
    Soit au-dessus de la moyenne nationale des autres clubs (2).


    Dans les pas des petits lions


    Autonomie, mental, goût de l'effort. Une immersion au sein de l'internat du centre de formation de l'OL permet de mesurer la variété des qualités qu'on tente d'y développer.

    LE NEZ dans leurs Chocapic, à l'heure où blanchissent les synthétiques, Rémi et Jérémie percent le secret de la formation lyonnaise, dans les brumes d'un réveil matinal. « C'est neuf, c'est bien décoré, soufflent-ils. Ici, on a tout ! » Rémi et Jérémie ont quinze ans et tous les jours, à 6 h 30, ils prennent leur petit déjeuner à la même table du self-service. Celle des plus jeunes, la plus proche de celle où s'asseoit, face à la salle, Didier Rajat, le maître d'internat. Plus on s'éloigne de ce point stratégique et plus l'âge des tablées augmente. Ce matin, alors que le calme ambiant est seulement troublé par le bruit récurrent de la machine à chocolat chaud et les commentaires d'une chaîne d'information sportive, il ne viendrait à personne l'idée de transgresser les règles. C'est comme si un gamin qui débarquait au centre réclamait une chambre côté terrains d'entraînement dès la première année ! Il s'installera d'abord côté rue et, privilège de l'âge, pourra traverser le couloir en fin de séjour, à condition qu'il se soit tenu à carreau.

    Non écrites, ces règles ne sont pas moins importantes que celles figurant dans le règlement intérieur, de l'obligation de porter la tenue du club à la proscription du ketchup lors des repas (sauf le dimanche soir, jour du steak-frites) en passant par le respect de tous les horaires. Elles régissent la vie de ce monde à part où des gamins en pleine adolescence s'arrachent à leur famille pour vivre un rêve qu'une poignée seulement pourra pérenniser.

    Aujourd'hui, vingt-huit jeunes occupent l'internat du centre de formation. Ceux-ci ne représentent qu'une petite partie des joueurs concernés par la formation au sens large : de l'éveil (moins de 7 ans) à la post-formation (moins de 20 ans), ils sont 255 jeunes à porter le maillot de l'OL. Mais c'est souvent là que se construisent les carrières, qu'il faut enchaîner des journées de seize heures rythmées par le fameux triptyque cours-entraînement-devoirs et qu'il est donc préférable de bénéficier d'installations performantes. Avec ce bâtiment construit au pied du stade de Gerland, dans l'enceinte du centre d'entraînement des pros, le club dispose de l'outil adéquat. Parquet et chauffage au sol, salle de bains dans chaque chambre, salles d'informatique et de détente... « Ici, ils sont comme à l'hôtel ! », sourit Didier, épaulé dans sa tâche par sa femme Catherine, irremplaçable pour la paperasse et les confidences. Mine de rien, inaugurée en 2008, la construction symbolise les efforts du club dans ce domaine.

    « Même si, à un moment, moins de joueurs ont intégré l'équipe pro, le club n'a jamais occulté la formation, insiste le directeur du centre, Stéphane Roche, dans son bureau qui surplombe les terrains des pros. C'est une institution, une culture dont on est les garants. » Il suffit de pousser la porte d'un bureau ou de traverser la rue pour gagner les terrains d'entraînement de la Plaine des jeux pour s'en convaincre. Presque tous les postes clés sont occupés par d'anciens joueurs formés au club, comme Roche (lui-même successeur de Rémi Garde) ou des entraîneurs en place depuis vingt ans ou plus et devenus des références, comme Robert Valette ou Armand Garrido. « Il y a cette fibre lyonnaise, dit d'ailleurs ce dernier, entraîneur des moins de 17 ans et souvent cité en exemple par Benzema. On a vu changer la machine, mais ça reste familial. »

    À cinquante-huit ans et malgré toute sa bouteille, Garrido se gardera d'évoquer une approche révolutionnaire. La formation lyonnaise réussit plutôt l'alchimie des ingrédients de base, à commencer par la détection et le recrutement. L'OL dispose d'un vivier exceptionnel : Lyon est une vraie ville de footballeurs, maillée de nombreux clubs intra-muros (FC Lyon, La Duchère) comme dans sa périphérie (Vénissieux, Vaulx-en-Velin) et le district du Rhône est, derrière celui de la Loire-Atlantique (50 825), le deuxième de France en termes de licenciés (49 180) !

    Autre figure du club, Gérard Bonneau pilote une cellule de recrutement qui a ses antennes dans le reste de la France et supervise les joueurs entre huit et douze fois avant de les faire signer. Au-delà des qualités techniques et athlétiques, les éminences du centre ont fait évoluer leurs critères. Sur le terrain, on observera d'abord l'intelligence de jeu, le mental (attitude gagnante, enthousiasme), les déplacements offensif et défensif. À côté, on est d'abord attentif à l'écoute, la capacité de communication et l'investissement à l'école.

    L'école, justement. « On a la responsabilité de présenter un projet sportif et éducatif », rappelle Roche. Avec 92 % de réussite au dernier bac (douze candidats sur treize reçus), l'OL affiche ainsi le meilleur taux des centres de formation et propose – voire impose – des cours de soutien à ceux qui ont décroché. « Ce qui compte, c'est moins le niveau que l'attitude face au travail, souligne Jean-Yves Ogier, le responsable pédagogique. Car si en fin de formation, dans la zone de turbulences, le jeune est en rupture scolaire, il aura des manques. » « On ne fait pas du consommable, on ne dégage pas un joueur au bout de six mois », rappelle Jean-François Vulliez, responsable de l'éveil.

    L'éveil, c'est grosso modo l'âge de l'école primaire et la tranche sur laquelle l'OL met l'accent. Parce que, dit Garde, « les enfants sont comme des éponges ». On a donc terminé notre après-midi d'observation à la Plaine des jeux par l'entraînement des moins de 8 ans et on n'a pas été déçus. Moins surpris par la maîtrise technique de ces bonshommes hauts comme trois pommes que par leur capacité à se repérer dans l'espace et à faire les bons choix. Et par les interventions des éducateurs : « Est-ce qu'on utilise la largeur ? Quel appel on peut faire dans l'espace ? À vous de regarder la position des copains ! » C'est comme s'il y avait de l'écho avec la séance des moins de treize où l'on avait, peu ou prou, retrouvé les mêmes séquences de conservation et la même volonté de faire comprendre le jeu. « Informe-toi ! », répétait l'éducateur. Yann, avec ses tresses plaquées sur le crâne et ses grandes billes, nous avait expliqué du haut de ses onze ans et d'un ton docte : « Quand on joue à une touche, il faut avoir vu avant. »

    Tout est fait pour accroître l'autonomie des jeunes et la « vitesse mentale » des joueurs dans une discipline où ils ont de moins en moins de temps et d'espace pour se décider. Roche demande par exemple aux joueurs qui sont dans l'antichambre du groupe pro de préparer eux-mêmes le montage vidéo qui servira à l'analyse de leur match du week-end. Mais le club a aussi acquis un nouvel outil de développement de la perception (Neurotracker), déjà utilisé par Manchester United ou le Stade Toulousain. Ça file un peu le vertige quand on est devant l'écran à essayer de ne pas quitter du regard quatre boules qui suivent chacune une trajectoire différente, mais une fois sur le terrain, ça sert. Et tant pis si on a le nez dans les Chocapic le lendemain matin.


    Profil type : attaquant

    Le portrait-robot d'un professionnel issu du centre de formation de l'OL a les traits d'un joueur offensif doué techniquement.

    ON ENTEND déjà les exégètes de l'histoire lyonnaise nous rappeler que le club a aussi formé Bruno N'Gotty, défenseur de métier, 1,88 m sous la toise. Mais chaque règle a son contre-exemple, et s'il fallait établir un portrait-robot du joueur passé au tamis de l'OL, on choisirait plutôt Alexandre Lacazette, Loïc Rémy, Karim Benzema, Sidney Govou ou Ludovic Giuly. Ancienne (Florian Maurice) ou récente (Anthony Martial), la chronique lyonnaise dessine donc une dominante de joueurs offensifs, qui se distinguent plus par leur maîtrise technique que leur gabarit. « Le jeu lyonnais a toujours été un foot offensif et attractif, à base de possession, de déséquilibre et de technique  », tente d'expliquer Stéphane Roche, le directeur du centre de formation. L'OL ne cherche pas à former des attaquants à tout prix, mais ce tropisme se justifie aussi par le fait que, dans des équipes qui ont la maîtrise du ballon, les joueurs n'ont pas forcément besoin de bien défendre individuellement pour le récupérer.

    Autre tendance lourde : Lyon puise d'abord dans le vivier local. Parmi les sept joueurs issus du centre qui ont disputé la seconde période à Nantes (2-1), dimanche dernier, un seul (Ferri) a ainsi été recruté à l'extérieur de la région (Saint-Rémy-de-Provence). Tous les autres viennent des départements limitrophes (Ardèche pour Grenier), d'autres villes du Rhône (Villefranche pour Gonalons, Givors pour Lopes) ou de l'agglomération lyonnaise (Lacazette, Umtiti, Zeffane). Aujourd'hui, environ 90 % des joueurs qui composent la formation au sens large sont recrutés dans Lyon et sa région. Le recrutement extérieur (Martial venait des Ulis, Benzia de Quevilly) est seulement là pour permettre des retouches.  



    Les onze de la formation lyonnaise


    L'exercice est subjectif et contestable. Pour établir ce « top 11  », nous nous sommes limités à l'ère moderne de la formation lyonnaise, qui remonte à la fin des années 70, et avons exclu de ce palmarès les jeunes joueurs actuels de l'OL (Grenier, Gonalons, Lacazette, tous internationaux), en attendant d'en savoir plus. Une remarque qui vaut encore plus pour le Monégasque Anthony Martial. Les oubliés majeurs, pour anticiper les critiques : Loïc Rémy, Alain Caveglia et François Clerc, l'un des cinq joueurs formés à l'OL, depuis quarante ans, à avoir disputé une phase finale avec l'équipe de France (Euro 2008), comme Rémi Garde (Euro 1992), Karim Benzema (Euro 2008 et 2012), Sidney Govou (Coupe du monde 2006 et 2010, Euro 2004 et 2008) et Hatem Ben Arfa (Euro 2012), autre « oublié  » de cette liste. V. D. (Entre parenthèses, l'année de leur premier match pro avec l'OL)

    1. Karim Benzema (2005)

    attaquant

    L'avant-centre titulaire du Real Madrid, 104 buts avec les Merengue, comme Ronaldo, le Brésilien. Voilà.

    2. Sidney Govou (2000)

    milieu/attaquant

    Sept fois champion de France (2002 à 2008), vice-champion du monde 2006, 10 buts en 49 sélections, une carrière exceptionnelle et pleine de panache.

    3. Ludovic Giuly (1995)

    milieu/attaquant

    Pas une phase finale avec les Bleus, mais titulaire au Barça avant Messi (2004 à 2007) et vainqueur de la Ligue des champions en 2006.

    4. Bruno N'Gotty (1988)

    défenseur

    Il aurait pu faire beaucoup mieux. Mais il est le seul buteur de la finale de C 2 1996 gagnée par le PSG (face au Rapid Vienne, 1-0), champion avec l'AC Milan (1999), et vingt-deux saisons en pros.

    5. Laurent Fournier (1980)

    milieu

    Ses formateurs le voyaient aussi grand que Platini. Quand même : finale de C 1 en 1991 avec l'OM, victoire en C 2 en 1996 avec le PSG, un gros palmarès et vingt saisons en pros.

    6. Florian Maurice (1992)

    attaquant

    Avant sa rupture du tendon d'Achille, en 1996, un phénomène d'adresse, d'anticipation et de technique. Il aurait dû être l'avant-centre des Bleus en 1998.

    7. Rémi Garde (1985)

    milieu

    Ses blessures l'ont privé d'une grande carrière internationale. Pouvait jouer partout au milieu et en défense centrale. Premier capitaine étranger d'Arsenal.

    8. Frédéric Kanouté (1997)

    attaquant

    Un grand talent intermittent jusqu'à ses années à Séville (2005-2012) : buteur lors de deux victoires en C 3 (2006, 2007), l'international malien a reçu le Ballon d'or africain en 2007.

    9. Daniel Xuereb (1977)

    attaquant

    Venu de Gardanne à seize ans, il a grandi à l'OL. Champion olympique en 1984, troisième de la Coupe du monde 1986. Un buteur qui aimait les espaces.

    10. Steed Malbranque (1998)

    milieu

    11. Franck DURIX (1984)

    milieu

    Deux joueurs timides, appelés chez les Bleus sans jouer. Malbranque a disputé plus de 400 matches en Angleterre. Arsène Wenger continue de citer Durix, milieu subtil et infatigable, parmi les joueurs qui l'ont marqué.


    Griezmann, le"raté"


    L'HISTOIRE DU FOOT regorge de ces trajectoires de joueurs à la carrière dorée qui ont, au départ, été recalés par le centre de formation local. À l'OL, le cas d'Antoine Griezmann laissera toujours des regrets. Né à Mâcon (Saône-et-Loire), à 70 km de Lyon, l'attaquant de la Real Sociedad (14 buts) n'a pas échappé à la cellule de détection de l'OL. « Il avait été repéré par un de nos observateurs, confirme Gérard Bonneau, responsable du recrutement. Pendant un an, il est même venu plusieurs fois faire des essais. Mais il est tombé dans une génération 1991 très forte, avec beaucoup de joueurs offensifs comme Grenier, Lacazette, Tafer… Et tout le monde, au club, n'était pas d'accord pour son intégration. »

    Ce n'est pas son petit gabarit de l'époque (1,76 m aujourd'hui) qui lui a barré la route de l'OL. Cette décision reflète simplement l'inévitable marge d'erreur d'une cellule de recrutement. Repéré par la Real Sociedad alors qu'il disputait le tournoi de Paris avec Montpellier, Griezmann a franchi la frontière dès l'âge de treize ans et suivi un chemin parallèle pour retrouver Lacazette et Grenier chez les Espoirs. Avant d'aller ensemble au Brésil ?


    Jean-Baptiste Renet et Vincent Duluc (article de L'Équipe du 13 février 2014)

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